Le temps de chimères
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Le temps de chimères

Le projet de l’association « Le temps des Chimères » est d’organiser dans notre ville une manifestation mettant en avant les jeux et l’imaginaire, afin de permettre aux amateurs de se retrouver mais aussi de faire découvrir et partager à un plus grand pub
 
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 Les nouvelles fantastiques 2015

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Azgut
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MessageSujet: Les nouvelles fantastiques 2015   Les nouvelles fantastiques 2015 EmptyLun 27 Avr - 6:48

Voici les différentes nouvelles qui ont étaient données pour le concours de cette année.
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MessageSujet: Re: Les nouvelles fantastiques 2015   Les nouvelles fantastiques 2015 EmptyLun 27 Avr - 6:50

5 ème place : Maelle Cabibbo avec la main Bleu

Le vent chaud de la Mi-An me caressait le visage et ébouriffait mes cheveux alors que je virevoltais
dans les airs à dos de griffon. C'était ma première escapade aérienne et l'ivresse de la liberté était bien
au dessus de ce que j'avais pu imaginer. L'Académie des Rois, presque déserte durant les vacances,
était minuscule dans le bas de la vallée. Je criaqis de joie tout en effectuant des cabrioles. Je ne savais
pas monter ce genre d'animal, c'est pourquoi je me contentais de me cramponner aux poignées de ma
selle, allongé sur le dos d'Antarès, mon griffon, accompagnant les mouvements de son corps. Je
n'avais que dix ans et c'était la plus merveilleuse chose que j'avais vécu jusqu'alors.
Quand je mis pied à terre, mon frère aîné, Bordanas, accouru. Il voulait lui aussi tester le vol. Il était
tout excité. Je tentai de lui expliquer que c'était impossible de monter un griffon sans une certaine
complicité, que celui-ci s'y opposerait et pouvait devenir dangereux. Mais il ne comprit pas et me
menaça de révéler au directeur de l'académie, mon délit : voler avant ma 3ème année de cours. Je
tentais de le raisonner, delui faire comprendre que si le griffon ne lui confiait pas son nom, il ne pourrait
pas le monter, c'était une des règles de l'Ordre des Gardiens ailés, dont faisaient partie griffoniers et
dragonniers. Vexé, il partit en tapant des pieds et en poussant des jurons. J'avais l'habitude de ses
caprices. Bien qu'il soit de deux ans mon aîné, il ne contrôlait pas sa frustration et voulait toujours que
tout se passe comme il l'avait décidé.
Je retournai le voir quelques temps plus tard pour faire la paix car je n'aimais pas être fâché avec
Bordanas. Je pénétrai dans sa chambre et à ma grande surprise, il n'était pas seul. Enchaîné dans une
cage, sur son bureau, se trouvait un lutin. Il ne mesurait pas plus d'un pied de haut et était vêtu de
guenilles. Je reconnus immédiatement ce petit homme : c'était un Toinou. Normalement, ils vivaient
dans la forêt sacrée ou personne n'avait le droit de pénétrer. D'après les contes pour enfants, ces
créatures naissaient d'oeufs qui poussaient sur de magnifiques arbustes. Il possédaient une mémoire
collective à laquelle ils accédaient dés leur venue au monde. Cette mémoire contenait toutes les
données, informations et situations récoltées par leur peuple au fil des ans. Ils avaient une croyance
bien à eux qui les guidaient dans la vie et leur donnait la marche à suivre.
J'interrogeais mon frère sur la présence de cette créature ici. Il me répondit avec fierté que désormais
lui aussi avait un compagnon. Je paniquai, un étudiant en magie n'avait le droit de posséder un Toinou
qu'au début de sa quatrième année et mon frère n'en était qu'à sa seconde. J'appris ainsi comment il
l'avait obtenu. Il l'avait dérobé" lors de la réunion qui regroupait le Conseil de l'académie et les Toinous
adultes, venus pour se lier aux élèves. En effet, les Toinous possédaient la magie mais ils ne pouvaient
l'exercer seuls car il leur manquait l'énergie, que seuls les humains pouvaient leur procurer. C'est pour
cela qu'humains et Toinous devaient se lier, par symbiose psychique, pour devenir sorciers. Tout
magicien avait donc un Toinou comme fidèle compagnon. Bordanas tenta par tous les moyens de
contraindre le petit lutin à se lier à lui mais malgré les mauvais traitements qu'il lui infligeait, la créature
ne céda pas. Ces petits êtres intelligents tenaient à leur liberté.
Un jour, Bordanas dut partir durant une semaine dans le cadre de ses études et à contre coeur il me
confia son prisonnier. L'occasion qui s'offrait alors à moi était rêvée. Je n'aimais pas les Toinous, mais
la présence de l'un d'entre eux ici, risquerait de créer de très lourds problèmes à mon frère, c'est
pourquoi il fallait que je m'en débarrasse. Le seul soucis était que la cage était verrouillée à l'aide de
runes elfiques et qu'il m'était impossible de rompre cet enchantement. Je décidai donc d'emmener la
cage loin d'ici et me rendis dans la forêt à la bordure de l'Académie.
Ce que j'ignorais à l'époque c'est qu'un Toinou peut utiliser l'énerie des animaux pour faire de la magie,
à un stade très basique. Ce jour la, c'est ce qu'il se produisit et le petit personnage parvint à se libérer.
Mais au moment ou il allait fuir, me remerciant d'un signe de la main, Bordanas apparut, fou de colère.
Paniqué, le petit mage se lia à moi dans un rituel rapide mais efficace faisant ainsi de moi un magicien.
Mon frère se saisit d'une pierre et frappa. J'étais trop jeune et trop inexpérimenté, du haut de mes 10
ans, pour réussir à transmettre assez d'énergie à mon Toinou et celui-ci, perché sur mon épaule ne put
rien faire pour empêcher la pierre de me percuter violemment le crâne. Je m'évanouis, inconscient, une
traînée de sang dégoulinant de mes cheveux noirs.
Pris de panique, mon frère me ramena sur son dos à l'Académie. Mais il n'était pas en mesure de me
soigner et malgré ses supplications, le Toinou ne fit rien, sûrement parce qu'il ne le pouvait pas.
Bordanas finit donc par assumer son geste et alla se dénoncer au Régent de l'Académie, lui racontant
toute l'histoire depuis le début. C'était un acte très courageux que d'assumer ainsi ses actes. Je fus très
fier de lui et le suis encore aujourd'hui.
Malheureusement les conséquences furent sévères et Bordanas fut radié de l'académie des rois, la
meilleure école de Tyffuss. De plus, il fut banni de l'ordre des magiciens et devint médecin pour les
paysans de Caldfall. Sa voie semble aujourd'hui lui apporter la paix qu'il n'avait pas trouvé étant jeune
et désormais, je sais qu'il ne ressent plus la solitude qui l'avait à l'époque poussé à faire les mauvais
choix.
Vous vous demandez surement ce qu'il est advenu de moi après cela?
Et bien, je vais vous le dire. Cette expérience a fait de moi le premier demi-dieu depuis de nombreuses
générations grâce à ma maîtrise de 2 des plus grandes disciplines royales de Tyffuss, la magie et l'art
du vol. Je suis désormais connu dans tout le royaume sous le nom de La Main Bleue et suis le gardien
direct du prince Riquier, souverain de notre monde. Ma magie est très puissante et mon griffon Antarès
est des plus redoutables.
Le cours touchait bientôt à sa fin et Xyzall Beaume, alias La Main Bleue, en profita pour donner un
dernier conseil aux élèves pressés de quitter la salle : "l'amitié c'est comme apprivoiser un loup, ça ne
dépend pas que d'une personne. Elle viendra à vous si vous ne la cherchez pas. Si vous la cherchez,
vous ne la trouverez pas car elle se cache toujours là ou on ne l'attend pas. Nous ne pouvons jamais
anticiper sur le futur les enfants, ne l'oubliez pas ! "
Un petit lutin sortit de la poche du magicien, grimpa le long de sa grande barbe blanche et vint se
percher sur son épaule encore tout endormi. Le cor de chasse indiquant l'heure du repas venait de
retentir dans l'Académie. Tous les élèves quittèrent la salle, discutant avec enthousiasme de ce qu'ils
avaient appris lors de ce cours et remerciant le vieil homme en sortant. Xyzall sourit. Il était satisfait de
cette journée ordinaire, satisfait d'avoir pu raconter so histoire, satisfait de qui il était. Il remercie son
frère bien que celui ci ne soit pas présent, éteignit les bougies de la pièce d'une simple transmission de
pensées avec son Toinou et quitta la salle pour rejoindre son griffon aux écuries. Il espérait que les
élmèves de l'Académie apprendraient es bonnes leçons de son aventure.
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MessageSujet: Re: Les nouvelles fantastiques 2015   Les nouvelles fantastiques 2015 EmptyLun 27 Avr - 6:51

4 ème prix : Cyril Loubet avec le dreamsellers (les vendeurs de rêves)

Dans un monde pas si lointain ou tout se marchande, les riches et les puissants ont même réussi à
acheter leurs rêves.
La technologie et la science ont permis de pouvoir changer ses rêves. Cette découverte est restée
secrète et seule une poignée s'est octroyée un nouveau privilège. En effet, cette avancée a bien vite
été détournée de son utilisation première. Les aristocrates avaient compris qu'ils passaient un tiers de
leur temps à dormir et qu'ils n'avaient aucun contrôle sur près de 25 ans de leur vie totale pour un
temps de sommeil moyen pour un homme. Les deux autres tiers pouvaient très facilement être
comblés quand on a les moyens illimités surtout dans les hautes sphères. Les rêves des puissants sont
souvent noirs et beaucoup sont rongés par les remords au moins le temps des nuits. Ne dit on pas
souvent dormir les yeux grands ouverts.
L'idée avait donc trouvé une oreille attentive et des fonds pour mener ses recherches en secret. La
technique reposait sur une immersion d'une personne consciente dans les rêves d'une personne
inconsciente. Il suffisait de lever la paupière d'une personne endormie, d'y déposer quelques gouttes
d'un liquide spécial et d'approcher son oeil opposé jusqu'à toucher l'oeil de la personne alitée. La
personne était alors transportée corps et biens dans les songes. Ce principe presque magique n'était
pas sans danger et nombre de volontaires avaient purement et simplement disparu lorsqu'un sujet se
réveillait trop tôt. Les drogues et autres somnifères avaient la désagréable tendance à altérer et
diminuer la qualité des rêves, ils n'étaient donc pas recommandés. "La descente" était le fait de rentrer
dans le monde des rêves. La conscience du descendant assimilait le fait de "rentrer" dans les rêves, à
un escalier en colimaçon qui descendait jusqu'à une porte appelée la porte des rêves. Au dela de cette
porte, les rêves régnaient.
Le descendant avait avec lui tout un attirail pour s'introduire, tel un voleur moderne, il avait en plus un
genre de pistolet magique " le dreamgun" qui avait la faculté de toucher et de capturer des petites
parties des songes imaginés pour pouvoir les "transplanter" dans un autre corps généralement plus
fortuné. Le fragment de rêve capturé revenait dans le dreamgun et était "stocké" dans la balle qui avait
servie à tirer la décharge captatrice.
La technique s'était améliorée au fil des décennies et des accidents, maintenant cette activité toujours
secrète était coordonnée par une société employant des agents, généralement en freelance, appelés
des Dreamsellers. Plus le fragment de rêves était merveilleux, plus ces chasseurs de rêves étaient
rémunérés.
Notre histoire commence ici...
Une nuit comme les autres, j'étais un dreamseller depuis 8 ans, 8 fichues années ou je volais aux
pauvres leurs rêves, pour les donner aux riches et puissants, un genre de Robin des bois des temps
modernes et perverti. La conscience de faire quelque chose de mal avait depuis longtemps laissé la
place à l'indifférence totale, et puis il fallait bien remplir son réfrigérateur.
J'avais trouvé ma prochaine cible, une petite fille de sept ans à peine. Sa famille habitait dans une cité
dortoir près des mines "d'Atronium", ses parents devaient surement y travailler pour un salaire de
misère, enfin j'aurais pu le découvrir si cela m'avait intéressé. Son innocence lui permettait d'avoir des
rêves merveilleux très recherchés par les dames des différentes Cours Européennes. Comme à mon
habitude depuis 3 nuits déjà, je m'introduis par la fenêtre de sa chambre au premier étage.
Patiemment, j'attends dans la pénombre de la chambre, que sa respiration se ralentisse, signe qu'elle
rentre dans le sommeil paradoxal et du début de ma sale besogne. Je m'approche tout doucement,
prend mon flacon de produit dans ma besace et lui ouvre délicatement la paupière de l'oeil droit et
approche mon visage pour y coller mon oeil gauche à contact.
"La descente" est instantanée. Je me retrouve en haut d'escaliers blancs qui tournent sans mur porteur
ni attaches visibles. Je descends les marches sereinement ayant fait cette expérience des centaines de
fois. Une porte m'attend en bas, dégageant une lumière très pure, après m'être protégé avec mon
avant bras les yeux et refermé la porte derrière moi, je m'aperçois que ma main est devenue une patte
velue et griffue et que je suis affublé d'une queue longue et touffue. Sortant un petit miroir de ma
besace, je m'aperçois que je suis devenu la fusion d'un chat et d'un humain. Les cerveaux des
personnes endormies nous attribuent quelquefois des rôles en fonction du rêve de ce dernier. J'étais
manifestement de la partie. Dans ces cas, il faut faire très attention à ne jamais se trouver au centre du
rêve mais bien toujours en périphérie, car le sujet, dans ses pérégrinations imaginées, pouvait très bien
nous séparer la tête du corps ou nous faire tomber de très, très haut et généralement notre esprit ne
pouvait le supporter, et nous mourrions tout simplement dans les rêves des gens, sans pleurs ni
fioritures. Mes maîtres de l'académie m'avaient bien averti qu'il ne fallait pas pratiquer la descente trop
souvent sur la même personne car elle produisait des sortes d'anticorps afin de bloquer les intrusions
trop répétées. Enfin, ils disaient aussi ne jamais pratiquer la descente sur des femmes ni des enfants.
Leur code d'honneur était ridicule pour des personnes qui volent les rêves, il fallait oublier ces
préceptes pour avoir les poches pleines.
Après m'avoir regardé que mon équipement était toujours à sa place, je m'avance doucement et
découvre une cité ou les habitants ont été personnifiés par des chats. Dans cette ville ou je déambule,
je vois des chats acheter des pelotes de laines, du poisson et fumer ce que je pense être de l'herbe à
chat. Je repère un gros homme chat marchant seul dans la rue avec une canne, les autres habitants ne
semblent pas le regarder, je sors mon dreamgun, l'ajuste dans mon viseur, et appuie sur la gâchette.
Une balle de lumière file vers l'infortuné, le touche, l'enveloppe d'une lumière bleue et revient vers mon
arme chargeant ma cartouche de ce personnage. La balle s'expulse de mon arme et je la récupère au
vol et regarde si les autres personnages m'ont repéré. Personne ne semble se soucier de ma présence
et de mon méfait. Je recharge mon dreamgun avec une cartouche vierge et je continue à me balader
nonchalamment dans les rues.
Soudain, j'entends comme une fête qui se rapproche et les habitants qui, petit à petit, remplissent les
rues. Me rapprochant avec précaution, je me retrouve en face d'une procession qui défile dans les rues
de la ville. Des chars fleuris ou des habitants félidés lancent des pétales de roses dans les rues. Après
plusieurs chars, je trouve le coeur du cortège, une immense chimère ailée à tête de lion couronnée et
marchant sur ses quatre pattes, et à ses côtés, une jeune chatte blanche plus petite, debout sur ses
pattes arrières. Cette agitation doit être le centre du rêve, je dois m'écarter au plus vite. J'essaye de
rentrer dans la première bâtisse mais la jeune dormeuse n'a pas jugé utile de "modéliser" l'intérieur, je
me retrouve bloqué par l'imitation d'une porte, je n'ai pas plus de chance par la fenêtre. Essayant de
me cacher, j'ai bêtement attiré l'attention sur moi. La procession s'est arrêtée et tous les habitants me
fixent d'un air penaud.
C'est la jeune reine qui parla la première à mon encontre.
"Pourquoi n'es tu pas heureux de nous voir comme tous les "Chatoyens" de la ville et pourquoi
essayes-tu de te cacher?"
Une personne qui parle dans les rêves et souvent la personnification même de la dormeuse, elle doit
certainement rêver qu'elle est cette jeune reine dans ce monde. Je dois faire plus qu'attention à mes
gestes et à mes paroles pour ne pas briser le rêve, et moi avec. Réfléchissant à pleine vitesse, je
réponds : "Votre Majesté m'a vu et cela était mon souhait, je suis un jeune "chatbellant" venu d'un autre
royaume lointain et je souhaite jongler pour ma belle reine".
Aussitôt son sourire revint et des balles se matérialisent au dessus de moi, je les rattrape et commence
mon numéro. La foule ne tarde pas à taper dans ses pattes puis après de longues minutes sûrement
lassés par ma prestation, la reine, le roi et le cortège se remettent en branle. Je continue néanmoins
mon numéro pour donner le change et ne plus me faire remarquer. Après encore plusieurs minutes,
vers la fin du cortège, je m'aperçois que ce dernier commence à disparaître, d'abord les visages des
gens sont beaucoup moins détaillés et des personnages disparaissent dans la foule. C'est mauvais
signe, j'ai perdu trop de temps, le rêve s'effondre, les rêves ne durent jamais bien longtemps et celui
avait atteint sa limite temporelle, un autre rêve allait venir le remplacer et je devais me dépêcher de
partir, sous peine d'être entraîné, modifié et inséré en plusieurs parties contre mon gré dans le prochain
monde. Dans ce cas, je serais à jamais enfermé dans les songes de cette petite fille, devenant un
acteur malheureux de ses prochains rêves. Un cauchemar.
Je commence à courir en reprenant mon chemin de départ, courant contre la montre, je rattrape bientôt
le cortège, filant sur son côté, je passe près de la reine sans me retourner. Elle me remarque et me
parle, je fais semblant cette fois de ne pas l'entendre quand je vois le gigantesque Roi sauter au
dessus de ma tête, se mettant alors sans le vouloir entre la porte d'entrée du rêve et ma pomme. Son
air menaçant ne me laisse pas d'alternative, je sors mon dreamgun de ma besace tout en maintenant
mon allure, le met en joue et presse la détente. Le roi est frappé par la balle et s'enveloppe d'une
enveloppe bleue avant de revenir dans mon arme, la balle s'échappe de mon arme mais je ne réussi
pas à l'attraper au vol comme la précédente. Elle tombe par terre. Je continue néanmoins ma course
quand j'entends un hurlement derrière moi, je suis presque à la porte quand tout disparaît.
La petite fille venait de se réveillant en criant. J'avais échoué. J'étais devenu un fragment de rêve, un
petit bout de son inconscience. Mon seul espoir est qu'elle pense à moi une nuit pour que je me
matérialise et puisse sortir de ses songes.
Allait-elle penser à moi cette nuit... ?
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MessageSujet: Re: Les nouvelles fantastiques 2015   Les nouvelles fantastiques 2015 EmptyLun 27 Avr - 6:52

3 ème prix : Nassim Haddouche avec Aylin et l'univers

Aylin aimait se promener tard le soir, dans la forêt. Elle aimait la caresse du vent léger d'hiver dans les
feuilles, sur son visage, et le murmure des sous-bois. La nuit était claire, la demi-lune la surveillait de
son regard bienveillant et les étoiles scintillaient d'une lumière que seules les nuits froides et sèches
pouvaient offrir. Aylin se it qu'elle avait de la chance, ce soir, de pouvoir admirer la nature nocturne
dans sa beauté la plus simple et la plus nue : celle des temps froids.
Au loin, une chouette hulula, à qui répondit un chien qui hurlait son désespoir à la lune. Aylin rejoint
bientôt la clairière ou elle avait l'habitude de s'allonger confortablement dans la mousse, la tête
appuyée contre une souche sèche, pour admirer le ciel. Elle s'allongea, et ferma les yeux. Elle ne
pensait à rien. Elle appréciait juste le moment présent. Quitter la maison et son ambiance tendue, voila
tout ce qu'elle voulait s'accorde. Ses parents n'arrêtaient pas de se disputer pour un rien, son petit frère
pleurait sans cesse. Grosse ambiance. La sérénité de la nuit lui permettait de se déconnecter, ne
serait-ce que quelques instants, de ce bruit incessant qui régnait dans la bâtisse, et de tout le stress
qu'il engendrait.
Elle ouvrit les yeux, et à ce moment, une étoile filante zébra le ciel de sa lueur magique. Elle pensa à
sa grand-mère, avec qui elle venait ici même, avant sa mort. Elle lui disait toujours : "Aylin, une étoile
filante, c'est l'Univers qui te fait un clin d'oeil. C'est une invitation, comme pour dire "je sais que tu es là,
je te vois." Tu dois lui répondre, en faisant un voeu. Il sera exaucé." D'accord mamie. Pour toi, je vais le
faire, aussi absurde que cela puisse paraître.
Elle rouvrit les yeux après quelques instants. Elle se sentait un peu bête. Malgré sa volonté, son besoin
même, de croire que le monde avait gardé ne serait-ce qu'un peu de la magie des histoires de sa
grand-mère, son éducation, ce qu'elle avait appris et expérimenté en grandissant l'empêchaient de
croire en tout cela. Elle était presque adulte maintenant ; il lui fallait faire des études sérieuses, trouver
un travail. Fonder une famille peut-être. Toutes ces choses qu'Aylin n'avait jamais attendues avec
impatience.
Dans un soupir, elle se leva, pensant encore aux histoires de sa grand-mère. Puis elle se dit que sa
grand-mère n'était rien d'autre qu'une rêveuse, et les rêveurs n'avaient pas leur place dans le monde d'
aujourd'hui. Il fallait avoir les pieds sur terre, ou on risquait de se faire dévorer tout cru par les gens
dé"pourvue d'imagination, qui ne pensaient qu'à avoir, au détriment d'être. Aylin exécrait ces individus
aveuglés par l'avarice et la cupidité, quitte à détruire leur environnement, les gens qui les entourent et
eux-mêmes.
Toute à ses pensées; Aylin suivait machinalement le chemin qui la ramènerait chez elle. Elle ne se
rendit pas compte que le chemin avait changé, ainsi que les arbres autour d'elle. La lune commençait à
disparaître derrière les nuages, le vent se faisait plus frais, et plus fort. Les habituels conifères avaient
cédé leur place à de magnifiques aulnes et d'antiques chênes. Mais Aylin n'avait pas conscience du
changement. Pour elle, le sentier était le même que d'habitude.
Elle arriva à une clairière, ce qui la tira de ses pensées. Elle prit conscience qu'il y avait quelque chose
d'anormal. Il n'y avait jamais eu de clairière à cet endroit. Elle regarda autour d'elle, perplexe. La lune
était cachée derrière les nuages. Elle distingua, en plissant les yeux, au centre, le plus majestueux
acacia qu'il lui ait été donné de voir, et compris que la lune n'était pas cachée par les nuages, mais par
les branches de cet arbre, qui épousaient de manière surnaturelle et parfaitement ronde, le contour de
la clairière. Le sol était tout aussi bizarre : une épaisse mousse étouffait les pas d'Aylin, et sa couleur
tout à fait unie étonna Aylin.
Soudainement, elle y vit comme en plein jour. elle tourna sur elle-même pour essayer de trouver la
source lumineuse, sans résultat. La lumière était juste là, comme la mousse, les chênes qui bordaient
la clairière, au centre de laquelle trônait l'acacia. L'ensemble, éclairé ainsi, si uniformément qu'aucune
ombre n'en découlait, lui donna le vertige. C'était comme si c'était toute la clairière qui produisait sa
propre lumière. Elle dut s'asseoir pour reprendre ses esprits.
Aylin réalisa qu'elle s'était perdue, elle qui connaissait pourtant la forêt par coeur.
"Aylin, tu n'es pas perdue", résonna alors une voix. Aux aguets, elle se redressa subitement et chercha
d'ou provenait la voix, sans plus de résultats que quand elle avait essayé de trouver la source de la
lumière. La voix était rauque et apaisante ; Aylin aurait juré qu'un vieux sage des contes de sa grandmère
lui parlait.
"C'est moi qui t'ai amenée ici", continua t'elle. "A ta demande, d'ailleurs".
"Qui me parle?", demanda Aylin d'une voix si fébrile qu'elle se demanda si on pouvait l'entendre.
"N'as tu pas souhaité, quelques minutes plus tôt, avoir un entretien avec moi?"
Et Aylin réalisa que son souhait était exaucé. C'était l'Univers qui était en train de lui parler. A elle. Juste
parce qu'elle l'avait demandé à une étoile filante.
Je dois être en train de rêver.
-"Tu ne rêves pas, Aylin. Tu as demandé à me parler, et ton coeur est pur. Demande-moi ce que tu
veux savoir."
Aylin ne trouvait pas les mots. Abasourdie par la situation, elle trouva une racine noueuse sortant du
sol, et s'assit dessus pour reprendre ses esprits.
-"Je ne sais pas par ou commencer" dit-elle après un moment, fébrile.
-"Allons n'aies pas peur", reprit l'Univers. "Je sais que tout cela te semble intimidant. Mais mon savoir
est incommensurable, et je veux bien en partager un peu avec toi.Après tout, ce n'est pas tout les jours
qu'un de mes hôtes veut discuter avec moi."
"J'ai une question pour vous. La magie a t'elle jamais existé?
-Qu'entends tu par la?
-Et bien l'imaginaire collectif des humains regorge de contes avec des sorciers, des magiciens aux
pouvoirs surnaturels. Ces êtres ont-ils jamais existé?
-Oui. Mais pas en moi.
-Je ne comprends pas.
-Vos cerveaux ont une structure qui est très similaire à la mienne, simplement à une échelle différente.
E vos cerveaux et moi fonctionnons de la même manière. Existe donc dans votre cerveau, les choses
que vous voulez qu'il existe.
-Vous êtes un cerveau?
-Non je ne suis pas un cerveau. Mais l'analogie est tout à fait faisable, et u univers se cache dans
chaque cerveau humain. Ainsi tourne le cycle des Univers. Et dans vos cerveaux, existent des
personnages eux-mêmes pourvus de cerveaux...Le cycle est sans début, ni fin. Il est impossible de
savoir qui ou quoi est au commencement ou à la fin de ce cycle.
-Je vois." Malgré la prise de conscience vertigineuse qu'Aylin subissait en ce moment même, elle ne
pouvait s'empêcher d'être fascinée par la complexité cachée de l'Univers. Et dire que la plupart des
humains se contentaient d'une vie de routine et de petits plaisirs éphémères... Sa vision des choses
était changée.
-"Admettons que ce que vous me racontez est vrai, reprit Aylin. Est-ce que les gens qui peuplent
l'Univers que j'héberge dans ma tête en hébergent eux aussi?
-Tout à fait. Plus l'imagination d'une personne est débordante, plus l'Univers qu'elle héberge sera riche
et coloré, et les éventuels humains qui le peuplent en hébergent à leur tour. Ainsi se perpétue le cycle
de l'Univers."
Mettre les choses en perspective comme cela la faisait se sentir à la fois insignifiante mais aussi très
importante, car elle hébergeait un nombre infini d'univers dans sa tête. Et ils étaient surement plus
intéressants que ceux de la plupart des gens qu'elle connaissait. Aylin était tout de même contente :
quelque part, dans tous les univers existants, toute la magie des histoires de sa grand-mère était réelle.
Elle hésita un long moment avant de se poser la question qui lui brûlait les lèvres.
-"Peut on voyager dans les Univers que nous hébergeons? Les modeler de la même manière que vous
avez modelé la forêt pour m'amener ici?"
Brusquement, la lumière auparavant paisible et chaleureuse, se fit de plus en plus éblouissante,
agressive même, et elle fût obligée de fermer les yeux pour supporter autant de lumière blanche.
Quand elle sentit que la lumière se faisait moins dure, elle rouvrit les yeux.
Elle flottait au milieu de nulle part. Tout était blanc autour d'elle. Quand elle s'imaginait à quoi
ressemblait le vide le plus total, c'était à ça qu'elle pensait. Une ombre plana au dessus d'elle.
Un sphinx immense la survolait. Il vint se poser devant elle, faisant battre ses gracieuses ailes qui
contrastaient avec son corps musculeux de lion, et le visage humain qui le dévisageait était d'une
beauté androgyne, sans genre, telle qu'elle n'en avait jamais vu.
-"Aylin, j'ai répondu à beaucoup de tes questions. Trop. Je n'aurais certainement pas dû te dire tout
cela. A mon tour de te poser une question. De la réponse que tu donneras dépend la suite des
événements."
Aylin eut un frisson. Cela ne valait rien qui vaille. Le sphinx la dévisageait de ses yeux noirs ; il semblait
lire en elle comme dans un livre ouvert. Elle se sentait vulnérable. Elle rassembla tout son courage.
"Posez moi une question.
-L'Univers dans lequel tu vis ta plaît?"
Elle répondit du tac au tac :" Non, pas vraiment."
Elle regarda le sphinx droit dans les yeux. Aucune émotion ne se lisait sur son visage si beau qu'il en
devenait dérangeant. Et soudain, il y eut un grand noir.
Quand elle reprit conscience, Aylin se sentait bien. Elle rayonnait. Sa lumière inondait toute la zone
alentour, créait la vie. Le paysage qu'elle percevait la remplit de joie ; elle n'avait jamais rien vu de
semblable.
Alors elle prit conscience que son physique avait changé. Elles se sentait chaude, ronde et énorme. Et
elle réalisa :
Je suis une étoile. Je peux visiter mes propres Univers.
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MessageSujet: Re: Les nouvelles fantastiques 2015   Les nouvelles fantastiques 2015 EmptyLun 27 Avr - 6:53

Le second prix : Joseph AYEL avec Le Lhurgoÿf

"Oh mon Dieu, mais qu'est ce que c'est que ça?"
L'adolescente au premier rang émit un bruit écoeuré.
"Comment peut on avoir fait un truc aussi malsain? Je ne pourrais pas éteindre la lumière sans y
penser, si je l'avais chez moi... constata une jeune femme blonde, avant de plaquer sa main sur la
bouche.
- Pas étonnant que celui qui a peint ça se soit suicidé ! lança quelqu'un à la volée.
- Allons, messieurs dames, n'oubliez pas qu'il s'agit d'une simple oeuvre d'art, répondit M. Stark, le
guide de musée."
Il s'efforça de garder un sourire crispé, de regarder son groupe avec indulgence, mais n'y arriva pas.
Comme à chaque fois qu'il présentait la toile intitulée Le Lhurgoÿf, il devait subir les doléances et
récriminations des visiteurs. La semaine dernière, les choses avaient d'ailleurs failli très mal tourner.
Lors de cette visite, une fillette s'était évanouie. Stark la revit très nettement, sautillant dans l'allée et
devançant tout le groupe, pendant qu'il veillait à ce que tout le monde suive. Il la revit sauter à clochepied
les derniers mètres qui la séparaient du tableau, étoile obscure au milieu de la constellation
bigarrée des autres oeuvres exposées.
Au moment ou ses yeux mordorés se posèrent sur la peinture, son visage perdit toute couleur et elle
s'effondra, comme une pierre tombant dans une eau noire.
Il avait aussitôt saisi son talkie-walkie pour prévenir la sécurité, mais les vociférations hystériques des
parents et les déclarations furieuses des touristes avaient rendu ses paroles parfaitement inaudibles.
Le père de la fillette, un colosse roux à la tête directement vissée aux épaules, avait alors saisi Stark
par le col, l'avait violemment secoué et lui aurait écrasé le tableau sur la tête, comme dans les dessins
animés, si les gardes de la sécurité n'étaient pas arriver pour les séparer.
"Vous avez devant vous la dernière oeuvre du peintre Andrew Hex, qui nous a quittés brutalement il y a
deux mois, commenta t'il. Avant de se donner la mort, il a brûlé toutes ses peintures et ses dessins. Il
ne nous reste que celle-ci, appelée Le Lhurgoÿf."
Il se garda bien d'ajouter Puis il est retourné dans le sous sol de son atelier, ou il s'est pendu. Il avait
épinglé un message sur sa chemise. Un message ou était écrit : "je ne peux plus supporter ce qui
m'arrive".
"L'état de profonde détresse psychologique, dans lequel devait se trouver Hex, peut en partie expliquer
le caractère éminemment lugubre de ce tableau, poursuivit Stark. Sa mère, originaire de notre ville, en
a fait don au musée municipal. Et c'est avec un...
-A qui appartiennent ces horribles yeux verts, à l'arrière plan? On ne voit rien, l'interrompit un homme
moustachu, d'une cinquantaine d'années."
Stark ouvrit la bouche pour répondre, quand un bruit métallique strident lui vrilla le tympan : quelqu'un
venait de renverser le panneau Attention : sol glissant à l'autre bout de la galerie, quelqu'un de
particulièrement pressé. L'individu donna un violent coup de pied dans le socle du panneau puis fonça
droit en direction du guide et son groupe. C'est d'une manière quasi chorégraphique que Stark et
l'homme sortirent en même temps de leur poche, l'un son talkie-walkie, l'autre un cocktail Molotov de
taille respectable.
Les yeux du guide s'agrandirent d'horreur quand il reconnut le père de la fillette. Ce dernier se mit à
hurler un charabia incompréhensible, mais Stark lut dans la démence de son regard qu'il n'était pas
venu lui apporter un pourboire.
Tout s'enchaîna très vite. Le colosse enflamma la mèche au milieu des cris de panique, prit son élan
pendant que les touristes, au comble de l'effroi, réalisaient leur meilleur temps au 100 mètres. Luimême
prit une vague posture athlétique au moment de viser, non pas Stark, resté tétanisé, mais le
tableau. Ce maudit tableau.
Mais au moment de lâcher son projectile, il dérapa et perdit l'équilibre. La bombe incendiaire alla
s'écraser à une trentaine de centimètres de la toile, laissant une large traînée enflammée, comme si
une langue de feu était subitement sortie du mur. Stark releva péniblement la tête, indemne. Deux
images le frappèrent alors : le filet de bave s'écoulant de la bouche du forcené roux et les yeux verts du
tableau, rougeoyant à la lueur des flammes.
Deux jours plus tard, Stark reçut dans son bureau une ravissante jeune femme, qui se présenta experte
mandatée par le Tribunal au sujet de la tentative de destruction du tableau. Elle lui adresse un sourire
sublime et, sans y être invitée, s'assit directement dans l'un des fauteuils disposés devant son bureau.
"Fauteuil style Napoléon III, en poirier noirci, dit-elle en tapotant de ses ongles soigneusement
manucurés l'accoudoir. Belle pièce !"
Stark s'assit en face d'elle, le visage grave. Comme toutes les jolies femmes, l'experte se croyait
obligée d'étaler ses connaissances pour prouver qu'elle n'était pas qu'une belle brune aux yeux bleus,
une magnifique poupée dont la tête était creuse. Cette évocation d'une poupée lui donna la chair de
poule, quand lui revint en mémoire celle qui était peinte sur le tableau Le Lhurgoÿf. La voix cristalline de
la jeune femme le sortit brusquement de ses pensées.
"M. Stark?"
Ses yeux céruléens le fixaient.
"Excusez moi, je pensais à autre chose, répondit-il en se reculant dans son fauteuil. Je suis encore un
peu sous le choc. C'est moi qui encadrais la visite au moment des faits.
- Oui, j'ai été sidérée quand j'ai lu le dossier du Procureur. En particulier par la déposition du forcené. Il
a tenu aux policiers des propos incohérents ou il est question de tableau, de sa fille hantée par des
cauchemars abominables. La seule partie à peu près intelligible de son audition est celle ou il explique
comment l'enfant a essayé de se suicider, en se jetant dans un container de verres recyclés.
Des bouffées alternativement brûlantes et glacées traversèrent Stark en écoutant les paroles de
l'experte. Il voulut parler mais sa langue resta collée au fond de sa bouche.
"Quoi qu'il en soit, je suis venue pour examiner ce tableau afin de déterminer la gravité des dommages
matériels et...
- Il est intact, la coupa Stark.
- D'après le rapport, le projectile enflammé a percuté le mur à seulement trente centimètres de la
peinture. A cette distance, le tableau a certainement reçu des projections incandescentes, voire des
éclats de verre, aussi infimes soit-ils."
Elle passa la main dans sa longue chevelure ondoyante, tombant en cascade sur son tailleur rose pâle.
" Je vous laisserai vérifier tout cela par vous-même, Mademoiselle ... ?
- Alba. Alice Alba, répondit-elle en plissant les lèvres.
- Mais avant que nous quittions mon bureau, Mademoiselle Alba, j'ai quelque chose de très important à
vous dire. A sujet du tableau.
- Je suis toute ouïe ! déclara-t'elle, avec un sourire d'ange."
Stark ne lui rendit pas son sourire.
"Je n'aime pas Le Lhurgoÿf, poursuivit-il. Depuis que nous l'avons exposé au public, il a toujours
provoqué des réactions plus ou moins inquiétantes sur les visiteurs : certains ont eu des crises de
larmes, d'autres des malaises passagers, sans compter les deux incidents graves de ces derniers
jours. En trente ans de carrière, je n'ai tout simplement jamais vu ça.
- Mais qu'y a t'il de si horrible sur cette toile ?
- Le pire, c'est qu'il n'y a rien d'horrible en soi. Le peintre n'a représenté aucune atrocité, ni
représentations offensantes ou blasphématoires. Il s'agit d'une poupée désarticulée suspendue en l'air
par une main verdâtre. Non le problème n'est ni artistique, ni esthétique. Par contre..."
Il fixa le mur lambrissé de chêne à sa gauche et se rendit compte qu'il avait la gorge sèche. Très sèche.
"Par contre, reprit-il, il se dégage de cette toile une atmosphère malsaine, j'irai même jusqu'à dire
malveillante. Une forme de présence que j'ai instantanément ressentie la première fois qu'on me l'a
montrée. Depuis j'évite de la regarder, sauf nécessité absolue."
Alice sentit le rouge lui monter aux joues : le type en face d'elle la prenait pour une imbécile, une jolie
idiote, qui n'avait obtenu son poste que grâce à ses charmes. Elle avait été mandatée dans le cadre
d'une instruction judiciaire, et voilà que son interlocuteur lui dégoisait des histoires de fantômes.
Elle serra les poings jusqu'à s'en faire blanchir les jointures. Ses yeux de saphir prirent une teinte
glacée.
"Je constate que cette série de mésaventures liées au tableau vous a profondément perturbé. La seule
chose qui m'inquiète dans vos propos, c'est votre santé mentale."
Elle se leva brutalement, et ajouta d'une voix qui avait largement baissé de deux octaves :
" Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, j'aimerais à présent examiner la toile."
Ils sortirent du bureau sans échanger un regard, puis se dirigèrent le long d'un couloir tortueux, qui se
terminait par un antique ascenseur. Ils y pénétrèrent, toujours sans un mot. Ce n'est qu'une fois qu'ils
furent à l'intérieur que Stark déclara :
" Nous l'avons mis sous les combles. Il y règne une température très élevée qui, je l'espère, ne vous
incommodera pas."
Lorsqu'ils parvinrent au dernier étage, la porte de l'ascenseur s'ouvrit sur un capharnaüm de reliques
empilées pèle-mêle, digne des meilleurs boutiques de brocanteurs. Alice fit quelques pas en avant et
fut assaillie par une chaleur volcanique. Elle se retourna vers Stark et fut frappée de voir à quel point le
visage de ce dernier s'était décomposé : on aurait dit qu'il avait pris vingt ans de plus.
" Vous m'excuserez de ne pas vous accompagner plus loin, dit-il d'une voix étonnamment basse. Le
tableau se trouve au fond à gauche, à côté d'un grand miroir.
- Je me débrouillerai très bien toute seule, je n'ai pas besoin de vous, répondit Alice, de sa voix
doucement méprisante.
- Dans la mythologie scandinave, le Lhurgoÿf était un monstre qui ravageait l'esprit de ses victimes,
hantant leurs pensées et les conduisant à la folie. Pour l'amour du ciel, Mademoiselle Alba... Alice..."
Il ne put achever. La porte de l'ascenseur s'était refermée sur lui. L'experte resta immobile sur place
pendant quelques instants, dans le parfait silence, puis s'enfonça dans la pièce en quête du tableau.
Seul le bruit des talons d'Alice résonnait au coeur de la pièce. Il y régnait une odeur de mouches
mortes gisant dans les coins sombres, de pourriture humide et de vers de bois rampant derrière le
plâtre. L'odeur du temps. Une odeur que seuls les musées et les mausolées possèdent en commun.
Elle progressa jusqu'au fond de la pièce, éclairé par une unique fenêtre circulaire couverte de toiles
d'araignées. Une tâche lumineuse sur le mur de droite lui fit repérer un magnifique miroir Elisabéthain.
En revanche, elle ne voyait toujours pas le tableau.
Elle regarda autour d'elle. A sa droite, une armure qui gardait un ancien trône la fixait, impassible. A sa
gauche, à côté du miroir, un coffre était ouvert, béant comme une gueule. Enfin, elle aperçut une forme
rectangulaire recouverte d'une bâche près d'une armoire acajou. Elle s'en saisit et enleva la protection.
Elle identifia immédiatement Le Lhurgoÿf d'après la description que lui avait faite Stark. La toile
représentait une sorte de poupée disloquée qui semblait léviter tel un spectre. Elle était maintenue
dans le vide par une main vert sombre qui lui agrippait la tête. Les doigts de cette main n'avaient rien
d'humain ou d'animal : on aurait dit des échardes minérales d'émeraude ou de jade. A l'arrière plan, on
devinait une forme confuse quoique colossale, révélée par deux yeux triangulaires d'un vert
phosphorescent.
Alice reconnut que ce tableau avait un coté indéniablement sinistre, mais ça ne restait qu'une
production artistique, de la simple peinture étalée sur une toile. D'ailleurs, n'était-ce pas précisément la
mission de l'Art, que de provoquer une forte émotion, quitte à choquer, à bouleverser ?
L'experte observa la toile de plus près, en l'approchant de la fenêtre. Un premier examen visuel ne lui
révéla aucun dommage manifeste, alors qu'elle s'attendait à voir la toile gondolée par les projections
d'essence, boursouflée par des bosses tumorales noircies et constellée d'échardes de verres.
Soudain, elle retint son souffle.
Pendant quelques secondes, elle eut la nette impression de voir la main odieuse s'animer. Elle
bougeait mais furtivement, comme l'aiguille des minutes sur une montre.
Elle ferma les yeux puis les rouvrit.
La main était immobile.
La poupée semblait également surveiller Alice avec ses orbites vides, aussi sombres que les ténèbres
de l'arrière-plan. Je sais quelque chose, disait ce regard, je sais quelque chose que tu ne sauras
jamais.
La main verdâtre se remit à bouger.
C'est au cours des dix secondes qui suivirent, dix secondes pendant lesquelles elle oublia de respirer,
qu'Alice se mit à avoir réellement peur. Son coeur martelait sa poitrine, mais aussi dans son cou et ses
poignets.
"Alice"
L'experte fit volte face. Son coeur battait si follement qu'elle crut qu'il allait s'arracher de sa poitrine.
"M. Stark ? glapit-elle, M. Stark? C'est vous?"
Mais il n'y avait personne derrière elle.
Rauque, vide, ce n'était pas une voix humaine, ni une voix produite par une machine. On aurait dit une
sorte d'exhalaison râpeuse.
"Alice, reprit la voix.
- Ca n'arrive pas vraiment, marmonna t'elle, sachant très bien que si, cela arrivait."
Elle tourna complètement le dos au tableau et entreprit de faire demi-tour, afin de déterminer avec
certitude d'ou venait ces paroles insupportables. C'était Stark, elle en était maintenant persuadée. Elle
avait refusé de rentrer dans son jeu, dans son délire paranormal de crétin galvanisé par des épisodes
de la Quatrième Dimension. E maintenant, il se vengeait en lui jouant un sale tour, caché dans un des
recoins dans la salle, souriant comme un singe et pouffant de rire. Elle se promit de lui crever les yeux
quand elle le débusquerait. Elle lui laisserait un visage énuclée comme celui de la poupée.
Ses yeux d'azur balayèrent la pièce. Elles se jeta sur le squelette démembré d'un grand-bi et le
précipita au sol avec rage, avant d'éclater en sanglots.
" Montres-toi, ordure ! hurla t'elle d'une voix hystérique, les larmes ruisselant sur ses joues."
Elle fit demi-tour vers le tableau et se sentit soudainement vidée de toutes ses forces, comme si elle
saignait à mort. En face d'elle, Le Lhurgoÿf avait subi des transformations inquiétantes : la poupée
gisait au sol et la forme indistincte aux yeux phosphorescents avait disparu.
Faut que je sorte d'ici, et tout de suite. Elle partit en titubant vers l'ascenseur, ses talons faisant des
bruits de succion, paraissant même vouloir rester collés à chaque pas. Elle était prête à pardonner à
Stark sa plaisanterie puérile, elle accepterait d'être traitée comme une demeurée, une moins que rien.
Tout, pourvu qu'elle sorte d'ici.
Lorsqu'elle aperçut les lumières de l'ascenseur à travers ses yeux embués de larmes, un immense
soulagement l'envahit. Ce fut trop tard lorsqu'elle réalisa que ce n'étaient pas les lumières de
l'ascenseur qui brillaient dans le noir. La grisaille l'envahit et elle tomba en avant, inconsciente.
Une heure plus tard, le directeur et Stark découvrirent Mademoiselle Alba gisant sur le plancher. Elle fut
transportée à l'hôpital, ou l'on diagnostiqua un malaise vagal.
Un mois plus tard, elle fit une tentative de suicide. On la plaça en maison de repos pendant trois mois.
Quand elle ressortit, ses cheveux étaient presque entièrement blancs.
Elle fait parfois des cauchemars...Non elle fait souvent des cauchemards (disons-le : pratiquement
toutes les nuits), alors elle se glisse dans son placard, s'avance à genoux jusqu'au fond, et là, réécrit
sans fin Lhurgoÿf avec un crayon gras.
Cela semble l'apaiser un peu.
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MessageSujet: Re: Les nouvelles fantastiques 2015   Les nouvelles fantastiques 2015 EmptyLun 27 Avr - 6:54

Enfin, le premier prix à été décerné à Isabelle MAZET pour Face aux crocs

Samedi 1er décembre 2001.
En cette fin d'automne, la déclinaison rapide du jour dépose une brume légèrement rosée sur les
paysages vellaves. J'avance au hasard dans les ruelles du Puy-en-Velay. Je m'appelle Aaron, comme
le compagnon de Moïse dans l'exode. Avec un prénom pareil, j'étais prédestiné à l'exil vers des terres
arides et désertiques. Les événements récents ont changé ma vision du monde, et je m'apprête à
rejoindre les troupes françaises en Afghanistan. Ma jeune soeur, de dix ans ma cadette, ne comprend
pas mon désir soudain de servir mon pays. Ayant terminé avec brio mon cursus infirmier, j'ai pris
quelques mois pour réfléchir à mon avenir. Et les tours sont tombées...
Suite à mon enrôlement, mon départ est prévu pour après-demain. Je profite donc de ma soirée pour
remplir mon esprit de souvenirs de ma ville natale. Après plusieurs heures de promenade et de
rencontres fortuites, mes errances me conduisent rue Prat-du-Loup au pied de la tourelle en poivrier du
numéro dix. Avez vous déjà remarqué la gargouille qui décore la façade au niveau du troisième étage?
Je suis depuis toujours fasciné par le bestiaire omniprésent dans les venelles de la vieille ville.
Le visage tourné vers le ciel, les yeux fermé, j'inspire à pleins poumons. Le calme et la sérénité seront
mes plus grands regrets à la "guerre". Mais je ferai honneur à mon engagement, cette décision s'étant
imposée d'elle même après avoir passé des jours à regarder les images des attentats et à m'interroger
sur l'avenir de l'humanité. Comment pouvions-nous dépasser l'horreur de la situation? J'ai fais mon
choix : jouer un rôle dans la lutte contre le terrorisme. Mes parents, fervents catholiques, n'ont pas
cherché à me dissuadé. Pour une fois, je serai une source de fierté pour eux.
Un soudain effluve musqué me tire de mes rêveries. Mes yeux se posent sur la gargouille, elle semble
m'observer de son regard perçant. Ses oreilles triangulaires et son museau raccourci frémissent
comme lorsqu'un animal s'éveille. Son corps de pierre est parcouru de vaguelettes laissant sur leur
passage un pelage dru et rêche. Elle s'étire et s'extirpe peu à peu de la façade, une patte après l'autre.
Son pelage fauve rappelle les roches volcaniques lorsqu'elle glisse le long du mur. Une fois la
chaussée atteinte, elle s'ébroue comme un chien sortant de l'eau, son corps et sa taille évoquant plutôt
le chat.
Je suis figé, incapable du moindre mouvement, médusé par ce phénomène, mirage de mon esprit
embrumé. La créature avance d'une démarche chaloupée, sa queue touffue balayant le sol. Persuadé
de l'improbabilité de la situation, je la laisse s'approcher. Elle frotte sa tête contre mon tibia tel le félin
auquel elle ressemble. Je m'accroupis, rassuré par cette attitude câline, et tends la main pour caresser
ses oreilles pointues. Brusquement elle tourne la tête et plante ses crocs dans mon poignet. La douleur
me fait tirer le bras déchirant mon blouson et ma peau. Le sang commence à goutter malgré la
pression que j'exerce avec ma seconde main. La gargouille lèche les perles écarlates au sol se
désintéressant complètement de moi.
Alors que je m'éloigne vers la rue Rochetaillade, pour aller soigner ma blessure, un hurlement rauque
me glace les os. Je fais volte-face pour découvrir la créature, truffe pointée vers le ciel, gueule
entrouverte, dans la posture d'un loup hurlant à la lune. Son cri se poursuit sans qu'elle ait besoin de
reprendre son souffle. Des éclats de verre brisé et des grognements retentissent, avant que d'autres
voix lui répondent semblant venir de partout à la fois. Est-elle une sentinelle qui guette pour d'autres
bêtes? Bientôt des bruits de courses, des aboiements rejoignent les hurlements. Les minutes
s'écoulent, et l'agitation se rapproche. Les grondements s'amplifient, des griffes qui rayent le pavé. Un
instinct primitif me pousse à fuir.
Je me mets à courir le bras pressé contre mon torse. J'emprunte le traversière du Bouillon, dévale les
marches irrégulières pour atteindre la rue du Bouillon en direction du centre-ville. Je trébuche et me
retrouve acculé à la grande porte cloutée du numéro dix. De larges ombres mouvantes s'inscrivent sur
les murs dans la faible lumière de l'éclairage public. Debout dans le renfoncement, je vois s'approcher
trois immenses bêtes de la taille des lions d'Occitanie. Leur apparence rappelle celle des loups noirs en
plus trapus. Un pelage sombre, décoloré autour des orbites et des babines, des yeux dorés attrapant la
moindre clarté, et des crocs gros comme des pouces émergeant de gencives violacées. Ils approchent
semblant pister mon odeur.
Je reste pétrifié, le rêve se transformant en cauchemar. Lorsque les émanations de l'enfer s'arrêtent à
quelques centimètres de ma personne, le cliquetis des griffes cède la place au râle des respirations
animales. Les battements de mon coeur résonnent à mes oreilles. Le duvet de ma nuque se dresse et
la sueur coule sur mon front. Un mouvement sur ma droite me fait baisser les yeux. Je prends alors
conscience qu'un des monstres renifle mon poignet ensanglanté que j'ai laissé pendre le long de mon
corps. Sa gueule s'étire dans un semblant de sourire lupin. Son haleine s'échappe en nuage dans la
fraîcheur du soir. Sa fourrure anthracite a un aspect rêche et sauvage. Ses prunelles brillent
d'intelligence.
Soudain, ses mâchoires se referment sur mon poignet, meurtrissant un peu plus ma peau et ma chair.
Sans que je puisse réagir, une seconde morsure brûle mon bras gauche. Je tente de me dégager en
vain. Des questions se bousculent sous mon crâne : cette douleur, peut elle être une illusion?
Comment me sortir de cette embuscade? Ma vie de soldat, s'arrêtera t'elle avant d'avoir commencé?
J'ai peur, pas de la mort, mais de l'impossibilité de dire au revoir à ma petite soeur. Mes entrailles se
vrillent en pensant à celle qui est ma lumière dans la nuit. C'est pour elle que je veux défendre la paix,
même si elle est trop jeune pour comprendre.
Un élancement abdominal me ramène dans la ruelle. La troisième bête a planté ses griffes dans mon
ventre. Je pourrais crier, mais je ne veux pas mettre en danger un passant innocent. Ma gorge est
sèche. Mes entraves vivantes se resserrent et me tirent vers le bas. Je me retrouve assis, la large patte
toujours enfoncée sous l'estomac, mon sang se déversant au sol en flot continu. Dans cette position,
mon regard est au niveau de celui du loup face à moi. Car c'est bien des loups, malgré leur poids
avoisinant les quatre-vingt kilos. Je suis attaqué par des animaux sauvages disparus de nos contrées.
La pression des morsures diminue de concert, remplacée par la sensation des langues râpeuses
s'insinuant dans mes plaies. Un bruit de succion accompagne le vertige qui s'empare de moi. Le griffes
se retirent déchirant plus encore ma blessure, laissant mon tee shirt en lambeaux. Sans me quitter des
yeux, le monstre approche sa gueule de mes chairs lacérées et darde de sa langue la mutilation encore
fraîche. Mon corps est en feu et l'atroce torture semble durer des heures. Je suis résigné, je vais
mourir. Tout s'assombrit et mon esprit se met à nouveau en veille.
Je revois ma frangine à l'annonce de mon départ, les larmes au bord des yeux, sa bouche rose et
charnue pincée, son petit nez reniflant et son visage triste auréolé de lourdes boucles brunes. Et cette
question restée sans réponse : "Combien de temps?" Si elle me voyait maintenant, que penserait-elle?
Un sursaut de dignité m'incite à ouvrir les yeux.
Plus un bruit aux alentours. Je suis toujours assis contre la porte cloutée. Les supplices se sont mués
en une douleur lancinante, pareille à des courbatures après une bonne séance de rugby. Ai-je tout
imaginé? Non, mon blouson et mon tee-shirt portent les stigmates de mon infortune : le sang séché a
bruni le peu de tissu laissé intacte par les lacérations. Combien de temps s'est écoulé? L'aube blanchit
déjà l'horizon. L'aurore est proche et avec elle la pointe du jour.
Soudain un halètement. Je redresse la tête pour trouver campée face à moi une des bêtes à l'origine
de mon calvaire. Solide sur son séant, l'imposant loup m'étudie. Son regard doré se teinte d'émeraude
et la métamorphose s'amorce. Ses oreilles s'aplatissent sur sa tête jusqu'à disparaître. Son museau
s'écrase comme celui d'un pékinois. Ses pattes se tordent pour s'allonger en membres humains. Sa
peau pulse. A chaque remous, les poils noirs font place à de la peau lisse et brune. Sa face déformée
ondule pour devenir le visage d'u homme d'une quarantaine d'années. Son corps musclé est seulement
recouvert d'une fine pellicule de sueur comme après une exposition trop prolongée au soleil.Son regard
vert ne m'a pas quitté. Il m'adresse un sourire, carnassier même sous cette nouvelle apparence. Il me
tend la main comme pour m'aider à me redresser. Je me sens faible, encore étourdi par la nuit passée,
mais surtout je suis toujours méfiant. Je ne sais plus distinguer la réalité du fantasme. Les
réminiscences de mon calvaire, la mutation de mon adversaire, sa nudité assumée, rien ne favorise ni
la lucidité, ni la confiance.
Devant mon refus de saisir sa main, il vient s'accroupir près de moi. "Je suis Malik, annonce t'il d'une
voix grave. La déesse lupine t'as choisi pour faire partie des nôtres. Une grande force intérieure doit
t'habiter, car rares sont les élus." La force est en moi? Créature surnaturelle et fan de Star Wars? Que
m'arrive t'il? Et qui sont les "nôtres"? Je ne me sens pas courageux et mes espoirs ont fui avec mon
sang sur les pavés. Pourtant, aucune trace n'est visible ni sur le sol ni sur ma peau luisante. Malik saisit
mon menton m'obligeant à redresser la tête et à le regarder. "Bientôt, m'explique t'il, tu remercieras le
ciel de cette rencontre. Le don t'apportera force et résistance, tandis qu'à chaque pleine lune, tu
répondras à son appel." Son discours paraît bien rôdé, mais n'a aucun sens pour moi. Combien
d'autres ont déjà subi les crocs, les griffes, la douleur?
Je suis perdu, je dois devenir fou pour croire à de pareilles inepties. Comme percevant mon trouble,
Malik poses ses deux mains sur mes épaules. Une soudaine sérénité m'envahit. Une sensation
réconfortante calme ma respiration et mon rythme cardiaque. Sans l'avoir vraiment décidé, j'ouvre la
bouche et d'une voix éraillée prononce quelques mots : "Je m'appelle Aaron, je suis soldat depuis peu
et je pars demain pour Kaboul. Etes-vous un loup-garou?" Je me sens idiot, mais anormalement
apaisé. "Je préfère lycanthrope, répondit Malik un sourire en coin. Toi aussi à présent..." Un silence
lourd de conséquences s'abat quelques minutes, puis il ajoute : "Je vais rejoindre la communauté à
Ghazni, afin de te guider le moment venu. A la prochaine lune, tu sentiras son appel et je t'aiderai pour
ce premier changement. Tu ne seras plus jamais seul." Il se redresse, ses muscles saillants roulant
sous sa peau à chaque mouvement. Les premiers rayons de soleil illuminent son visage, révélant des
cicatrices que je n'avais pas distinguées jusqu'alors. Et sans un mot de plus, il part, disparaissant au
coin de la rue Meymard...
Avec lui le calme et la sérénité m'abandonnent, je suis frustré, j'ai encore tellement de questions. Je
m'appuis à quatre pattes avant de me remettre debout. Mon corps endolori se plie à ma volonté sans
difficulté. Un cri trop longtemps retenu s'échappe de mes lèvres en un long hurlement bestial. Un je-nesais-
quoi est effectivement différent en moi. La douleur et les courbatures ont disparu. J'ai changé. Je
commence à courir en direction de la rue Jules Vallès. Ma vitesse me surprend, car rapidement j'atteins
le cimetière. Je fais halte, mais je ne suis même pas essoufflé. Je n'ai pas le temps de m'interroger
davantage, j'ai découché et ma famille doit s'inquiéter.
Les mois suivants vont tout m'apprendre sur ma nouvelle condition. L'Afghanistan s'avérera un terrain
de jeu propice à l'apprentissage de mes nouvelles capacités. Mon ouïe fine, mon odorat sur développé,
ma vitesse, ma force, ma guérison accélérée, seront des atouts majeurs dans mon combat contre les
talibans. Je découvrirai également que Malik porte bien son prénom qui dans l'islam, est celui de l'ange
gardant les portes de l'enfer. Mais ça c'est une autre histoire…
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